vendredi 12 juin 2015

Le bruit du silence, une utopie pour ceux qui ont des acouphènes

      Le percolateur et le café qui coule, la pluie qui tombe, une cannette qui s'ouvre, une cigarette qui se consume à 3h du matin. Il y a tout plein de bruits avec lesquels nous sommes en contact quotidiennement, et je dois avouer qu'il y en a certains qui ne me laissent pas indifférents, qui provoquent en moi une sensation agréable. Je ne prends presque jamais le temps de me poser dans une journée afin d'écouter les bruits qui m'entourent, et je pense avoir sacrément tort. Si l'on se permettait d'êtres réceptifs à notre entourage, notre environnement, ne serait-ce qu'un court instant afin d'écouter ce qui nous entoure; on arriverait à se détacher de notre routine égocentrée afin de prendre conscience de ce qui fait parti de ce moment unique que l'on vit.

Alors je vous / me rassure de suite; je ne suis pas en plein "trip solaire" et je ne reviens pas d'une réunion secrète de beatnicks.



Mais il n'empêche que je te demande à toi lecteur, là maintenant, de penser à un bruit que tu aimes bien et de réfléchir à quoi ça te fait penser.


"Le bruit de la sérénité, en image" - Irlande, Décembre 2014















Je me suis posé la question l'autre jour : "comment est-ce que j'arriverais à décrire les bruits quotidien à un sourd ?"
C'est vrai que à première vue il est impossible de faire dans l'objectif puisque l'on rattache toujours un vécu émotionnel ou une représentation qui nous est propre à un bruit. Par exemple, si je dois reprendre les bruits dont je me suis servi pour mon ouverture (et ils ne sont pas anodins puisqu'ils font partis de mes préférés), voici leur signification pour moi :

- La pluie qui tombe -
Qu'elle soit forte, diluvienne, continue, saccadée, lourde, légère, la pluie m'a toujours fait penser des moments tristes. Je l'associe bien trop souvent aux larmes qui coulent, parfois retenues, parfois honteuses, parfois assumées publiquement. Je me suis toujours demandé par qu'elle onomatopée les gens décrivaient la pluie... est-elle "plic ploc" ? Est-elle un "pschhhhhhhhh" ?
Si je devais décrire la pluie à un sourd, je lui dirai (ah ben non, il entend pas c'est vrai - bon ben je lui écrirai) ceci : "Tu vois mon ami, la pluie c'est similaire à des larmes qui coulent. Parfois une bonne pluie fait du bien et permet de laver le monde, parfois la pluie dure trop longtemps et les gens se noient dedans. Quand tu pleure et que tu es dans un abris, tu es bien heureux; mais tu ne rigole pas du malheureux qui pleure devant une foule hors de son endroit de réconfort. La pluie s'écoute selon l'humeur, selon la compagnie. Quand tu entends la pluie un dimanche après-midi d'hiver, elle a un goût de thé et de couverture. Quand tu entends la pluie un soir d'été, elle a une odeur de poussière particulière qui t'annonce la fraîcheur à venir du lendemain. Tu vois la pluie, elle tombe de façons aussi différentes que les sons qu'elle fait."


- Un cigarette qui se consume -
Je fait souvent l'analogie que plus la cigarette que je fume se consume, plus ma vie se consomme. Elle s'amenuise au fil du temps et qu'à la fin seul un tas de cendres restera et s'envoleront en fumée des souvenirs témoins du temps passé à exister.
Ce qui me plaît par dessus tout, c'est ce fameux 3h du matin (voire 3h30) où les bars sont fermés, les gens ivres sont rentrés chez eux, où les travailleurs de nuit sont déjà au travail et où les travailleurs de jour ne se lèveront pas avant quelques heures. Cette heure où la vie de la ville se met sur pause dans un calme que seules quelques voitures roulant à toute allure viendraient trahir. C'est uniquement dans ce calme là que l'on peut entendre un bruit tellement rare en ville; le crépitement du papier à tabac qui se consume à chaque bouffée de nicotine. L'instant est tellement calme, qu'on a le luxe d'entendre ce qui de jour serait quasi impossible. Et alors, pendu à la rambarde de mon balcon, je regard au loin les cheminements des lumières. Lampadaires qui forment des serpents lumineux le long des routes; des pièces allumées dans des appartements où les gens ne trouvent peut-être pas le sommeil ou s'adonnent à des plaisirs intimes; des avions qui viennent se confondre avec les étoiles emmenant peut-être les passagers vers des fuseaux horaires différents.
Tout cela sur un crépitement d'incandescence.


- Le percolateur et le café qui coule -
Aaah le café ! Le fameux qahweh (oui ça s'écrit comme ça le terme "kawa") qui tonifie le corps et l'esprit ! Cette boisson miracle bue par de nombreuses personnes au petit déjeuner, lors de pauses syndicales (appelées aussi "pauses café" ... ah ben oui forcément ...), lors d'un premier rendez-vous, pour tenir le coup sur la route pendant un long trajet, lors de révisions de partiels pour les étudiants...
Ce bruit, c'est un peu mon second réveil. Un peu comme si le réveil habituel que j'ai, avec sa sonnerie qui devient de plus en plus insupportable, ne servait qu'à tirer mon corps hors du lit et que le réveil mental se faisait devant la cafetière. Planté là, pieds nus sur le carrelage, à attendre que le café coule en combinaison caleçon - t-shirt ou bien jogging molletonné. Un conditionnement un peu pavlovien comme si, à l'entente du bruit si distinct du café coulant dans le percolateur, les connexions neuronales se ré-activaient et que les autoroutes des informations cérébrales étaient de nouveaux opérationnelles. J'attends alors devant, prenant racine, que le café ait fini de couler et que le bruit m'ait enfin tiré des bras possessifs de Morphée, pour commencer ma journée. C'est un bruit doux et parfumé qui s'accompagne fort souvent du bruit d'une cuillère qui se cogne aux parois d'une tasse.


- Une cannette qui s'ouvre -
Que l'on soit clairs. Une cannette peut contenir tout type de boissons et pas forcément une cannette de bière. Comment ça ? Oui bon ok, je pensais à une cannette de bière. Mais pas n'importe laquelle. Pour moi ce "pschhht clac" rime avec été, soleil, amis, détente. C'est cette cannette que l'on boit dans une convivialité estivale où l'on sait que le moment qui se déroule est plaisant. Je ne parle pas d'une cannette de 8°6 bavaria à l’absinthe qui sert à décaper un meuble ciré, non ! C'est cette cannette agréable à boire, qui s'accompagne de rires en fond sonore. Presque comme si on entendait le morceaux Africa de Toto pendant que des brochettes poivrons - tomates - oignons rôtissent sur une grille de barbecue.

C'est quand même génialement fou la façon dont un simple bruit appelle des sensations comme telles, des moments vécus, des odeurs, des goûts. Mais le plus merveilleux là dedans c'est que, pour un même bruit, chacun va avoir une réaction et des images mentales différentes.
C'est peut-être ça aussi la vie; se construire avec ses propres références, observer le monde avec des yeux qui n'ont pas vu les mêmes choses que les autres, marcher dans ses propres chaussures, s'en rendre compte et se dire que tout ça, toutes ces représentations, cette vision du monde, tout cela nous appartient et que c'est unique.


"Une palette de calme pour un monde en couleurs" - Irlande, Décembre 2014

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